Version transcrite de l’interview télévisée du 22 Mai 2021
Présentateur, Frédéric Simottel : Michel Emelianoff, bonjour!
Michel Emelianoff : Bonjour Frédéric.
P : Bienvenue ! Vous êtes directeur général de BewellConnect, c’est la filiale e-santé de Visiomed, on va en reparler dans un instant; et puis, pour ceux qui peut-être ont entendu votre nom, vous avez longtemps été chez Alcatel.
M : Absolument !
P : Voilà dans la partie Alcatel Entreprise.
Alors je disais très rapidement, on connait Visiomed, une société qui a été créée il y a une quinzaine d’années, spécialisée dans tous les services innovants autour de la santé et qui s’est au fur et à mesure développée en e-santé.
Et puis voilà, il y a cette filiale e-santé BewellConnect qui s’est créée, enfin qui a concentré tous ces aspects autour de la e-santé, à la fois pour le grand public, mais peut-être plus pour le BtoB. C’est peut-être là aussi un des axes aujourd’hui que vous voulez considérablement développer, c’est bien ça ?
M : Absolument ! BewellConnect a été créé, et c’est un pionnier de l’e-santé puisque les activités ont démarré en 2013, au départ, sur le marché du grand public, avec des dispositifs médicaux connectés de type balance, thermomètre pour des besoins santé, mais aussi bien-être.
P : Oui, on va faire la différence !
M : Et puis, son cœur de métier a évolué, plutôt vers les professionnels de santé, sur la base d’une conviction forte qui est que la télémédecine n’est pas là pour remplacer l’humain. Au contraire, elle est là pour se mettre à disposition des humains, des professionnels de santé, pour améliorer l’accès aux soins et l’efficacité globale des soignants.
P : Oui parce qu’au début, on comprend l’usage de tous ces outils connectés. Vous, vous avez une station de téléconsultation mobile, le VisioCheck. Mais finalement, quand on commence à s’inscrire dans la certification, d’autant plus qu’en France on a le système de remboursement avec la sécurité sociale, enfin tout ça, on voit que c’est très complexe et finalement ça fait beaucoup de freins pour arriver sur le marché. J’imagine que cette démarche, vous y pensez.
M : Oui, ce n’est pas un marché simple, il y a effectivement un cadre réglementé.
P : La bonne idée ne suffit pas !
M : Voilà, la bonne idée ne suffit pas, la technologie ne suffit pas. Et en fait pour déployer des solutions de télémédecine qui fonctionnent, c’est-à-dire qui sont résolutives, il faut des solutions technologiques de bout en bout, qui doivent venir s’intégrer dans un écosystème existant, qui n’est déjà pas simple.
Il faut ensuite pouvoir définir le protocole de télémédecine : comment ça va se passer, parce qu’on ne gère pas les choses de la même façon quand on est à distance et quand on est en présentiel. Et ensuite il faut pouvoir orchestrer les ressources, parce que la technologie, c’est très bien, mais si l’on n’a pas un professionnel de santé à côté ou à l’autre bout pour utiliser les données et examiner, et bien ça ne sert pas à grand-chose !
P : Et avant de parler des usages augmentés et on va en reparler avec vous dans un instant, comment faites-vous pour faire cette différence justement entre télémédecine et téléconsultation, par exemple, que l’on a vue apparaitre et qui s’est un peu démocratisée avec cette pandémie ?
M : Alors la télémédecine, c’est un mot un petit peu encadré. Il y a différents usages de télémédecine. Il va y avoir de la télésurveillance, du télémonitoring, de la télérégulation et de la téléconsultation.
Donc peut-être quelques exemples pour vous expliquer un petit peu : la télésurveillance, ça va être des outils donnés à un patient qui est chez lui de façon à prendre des mesures régulières et pouvoir suivre l’état d’un patient. Typiquement, c’est ce qu’on fait sur l’hôpital de Lieuvin avec un partenaire pour des patients post-covid, donc qui viennent de sortir de soins intensifs. On veut s’assurer que leur état de santé continue à s’améliorer, donc on va mesurer la saturation d’oxygène. Ces informations vont remonter automatiquement vers un médecin.
P : Ils auront des appareils connectés chez eux et qui enverront toutes ces data ?
M : Oui, ils vont avoir un oxymètre connecté qui va prendre de la donnée de façon régulière.
Le monitoring c’est la même chose, mais en continu, et donc là, ça va être plutôt sur des logiques d’hospitalisation à domicile.
Vous allez avoir la télérégulation, où l’on est plus dans la gestion de l’urgence. On est donc sur du préhospitalier. Imaginez des pompiers qui sont là pour stabiliser un accidenté ou un blessé, qui vont prendre des mesures, et éventuellement escalader vers un médecin régulateur, qui va les aider à prendre la bonne décision.
P : Oui, ou envoyer des informations en avance ? Enfin, bien qu’il le fasse un peu déjà.
M : Voilà, ils peuvent remonter vers un médecin qui va les aider au-dessus. Les pompiers, dans la plupart des cas sont des volontaires non médecins.
M : Puis vous avez la téléconsultation. Alors là-dedans, il y a un peu 2 typologies de téléconsultation. Il y a celle qu’on a tous utilisée pendant la pandémie.
P : En visioconférence avec le docteur.
M : Voilà, le patient fait une visioconférence à partir de son smartphone ou de son PC avec le médecin.
Et puis il y a la téléconsultation qui va utiliser des dispositifs médicaux. L’idée étant de pouvoir faire deux choses, d’abord comprendre le contexte du patient : « Est-ce que je fais de l’hypertension ? Est-ce que je suis en surpoids ? Est-ce que j’ai un problème de glycémie ? ». Et ça, c’est important dans le cadre de la prescription pour éviter les contre-indications.
Et ensuite des outils qui vont permettre d’ausculter, d’examiner à distance (stéthoscope, otoscope, électrocardiogramme…) qui vont donner les éléments au médecin pour qu’il fasse un diagnostic et propose une solution qui soit résolutive.
P : Et donc vous, BewellConnect, vous intervenez dans la plupart de ces secteurs ?
M : Oui, alors on a un portefeuille de solutions qui est très riche !
P : Oui alors, je n’ai pas tout sorti, tout à l’heure, j’ai très rapidement parlé de la téléconsultation mobile, mais il y en a beaucoup d’autres.
M : En effet. Donc on couvre l’ensemble de ces segments-là, de la télésurveillance à la téléconsultation, téléexpertise. Et avec cette chaîne toujours de bout en bout, c’est-à-dire
des dispositifs médicaux connectés qui vont être packagés différemment en fonction des cas d’usage
une grosse plateforme logicielle qui va réaliser tout un tas de fonctions : identification des patients, des médecins, gestion de salles d’attente virtuelle, et évidemment gestion de la remontée des données et des flux vidéo
et puis des suites applicatives qui vont varier en fonction des usages (monitoring, surveillance, téléconsultation)
P : Ça marche déjà mais qu’est-ce qui fait que ça va pouvoir être davantage utilisé ? Alors, à la fois – on va passer très vite sur cette partie, mais qui est quand même importante – l’adoption par les médecins et par les patients, afin que tout le monde soit vraiment conscient que ça fait partie de l’avenir, et qu’il n’y ai pas de freins de ce côté-là.
Mais au niveau technologique, on l’a vu, on avait notre Withings national racheté par Nokia, puis finalement qui ressort. Donc on voit qu’il y a différents échecs. On a vu tout à l’heure, et je l’ai dit rapidement, mais les histoires de remboursement, où la sécurité sociale ne sait pas si elle doit rembourser une consultation comme une téléconsultation. Aujourd’hui, c’est le cas, mais comment ça se fera dans le futur ? On parlera aussi de la partie exploitation des données
Mais déjà pour vous : qu’est-ce qui fait que ça peut marcher ? Est-ce qu’il y a des choses, des curseurs à bouger au niveau de la santé publique, et au niveau des technologies ? Elles sont là, mais voilà qu’est-ce qu’il faut bouger pour ça ?
M : Alors, les technologies elles sont là. Elles sont là, et elles permettent de faire énormément de choses aujourd’hui.
P : Je vous interromps juste une seconde. Elles sont certifiées, il faut le rappeler. Vous suivez des protocoles de certification très pointus.
M : Absolument, nous suivons des certifications pour les dispositifs médicaux en Europe et aux États-Unis. Donc les technologies elles sont là, et elles fonctionnent.
Ce qui est compliqué, c’est véritablement d’organiser toute la chaîne pour que l’ensemble de ces données soient exploitées par une ressource médicale.
Et donc il faut, c’est ce que je disais précédemment, définir le « comment ça va fonctionner » dans un cadre réglementaire qui varie dans chaque pays.
Et deuxièmement, il faut pouvoir orchestrer les ressources médicales : c’est-à-dire qu’il faut que la ressource dont on a besoin, soit là au moment où l’on en a besoin.
Donc la complexité, c’est ça : « comment arriver à s’organiser entre l’ensemble des soignants, des personnels médicaux, pour pouvoir faire fonctionner ces chaines? ». D’autant plus, dans une période comme celle-ci, en crise sanitaire où le personnel médical est quand même énormément sous pression. Il gère la crise, mais il n’a pas trop le temps de prendre du recul pour essayer de redéfinir les façons de travailler.
P : Et vous, quelle est votre vision finalement ? Comment voyez-vous dans l’avenir la partie BewellConnect ? C’est d’être une sorte d’opérateur ? Donc l’idée c’est de dire : nous, on arrive avec la solution de bout en bout, du médecin aux patients, avec la résolution de la maladie ou du malaise en l’occurrence ?
M : Alors effectivement, notre ambition, c’est de pouvoir participer à la construction d’opérateurs de télémédecine, dans un certain nombre de géographies, qui vont être capable justement d’aligner ces trois piliers fondamentaux :
la solution technologique, ça effectivement, ce sont des actifs que l’on a
définir ce protocole de télémédecine qui va varier en fonction des usages, des contextes, et du cadre réglementaire
et de pouvoir orchestrer les ressources donc mettre à disposition les ressources, que ce soit les ressources aidantes, donc un infirmier ou un pharmacien pour guider le patient dans la démarche de télémédecine, et puis le médecin à l’autre bout.
P : Y compris dans la partie des données ? Parce qu’on sait que la donnée santé, ça aussi, ça fait partie d’un gros chantier en tant que tel. On le voit dès qu’on parle du health data, ça déchaîne toutes les passions ! On voit tout ce qui se passe dans les autres pays, avec Amazon au Royaume-Uni, Microsoft et Amazon aux Êtas unis. Là aussi, c’est un domaine où vous comptez être présents ? Parce que vous avez aussi des solutions logicielles, ça veut dire des data à exploiter ?
M : Alors, on remonte des données dans des clouds certifiés santé, là aussi réglementaires. Il y a de la même façon un cadre réglementaire très strict sur l’utilisation de ces données. Donc on va remonter de la donnée. Et on a des obligations de les garder pendant plus de dix ans. En revanche, en termes d’exploitation, il faut tout anonymiser si l’on souhaite effectivement exploiter ces données.
Aujourd’hui, on ne le fait pas, on se focalise véritablement sur les usages et l’on essaie de développer les usages de télémédecine.
P : Parce que ça ferait un chantier supplémentaire ! Dernière question, comment voyiez-vous justement l’irruption de ces GAFA dans cet univers de la santé. On voit qu’Apple, ça fait partie de l’un de ces axes, entre bien-être et santé, mais ça fait quand même clairement partie de son axe stratégique. Microsoft a racheté des réseaux de cliniques privées aux États-Unis et est présent dans le health data hub. Amazon est présent au Royaume-Uni et aux États-Unis. Ils sont vraiment partie prenante dans les systèmes de santé ! Comment les voyez-vous sous l’angle de BewellConnect ?
M : Alors c’est intéressant, d’abord parce que ça fait quand même bouger le marché, quand il y a des gros comme ça qui s’y mettent.
Et puis, ce qui est intéressant, c’est de voir en fait les investissements qu’ils réalisent. Microsoft, vous venez de le dire, investit dans les hôpitaux. Et ça montre bien que la problématique, elle n’est pas simplement technologique. C’est une problématique de bout en bout, c’est la ressource humaine qui est critique.
Pour y arriver, il faut aligner tout ça, et c’est ce que l’on essaie de faire, avec nos petits moyens.
P : Et bien écoutez, on espère que vous en aurez de plus gros à l’avenir ! Merci Michel Emelianoff, donc directeur général de BewellConnect, la filiale e-santé du groupe Visiomed. Merci d’être venu nous parler de tout ça et on va suivre évidemment ce secteur de près !
M : Merci à vous !
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